Le Carnet et les Instants
Le blog des Lettres belges francophones
Zizi puni
Bruno DINANT, Zizi Panpan, F deville, 2024, 61 p., 9 € / ePub : 6,49 €, ISBN : 978-287-5-991966
Après une trilogie policière publiée chez Academia et deux romans dans la collection « Œuvres au noir », Un croque-mort à côté de ses pompes et On ne cloue pas les jeunes filles aux arbres, aux éditions F deville, Bruno Dinant s’essaie à la novella pour son sixième livre. Sur un sujet sensible, mais qui n’est plus tabou : l’inceste.
Utilisé habituellement en littérature anglo-saxonne, le terme « novella » vient de l’italien et apparait de plus en plus en littérature française. Il caractérise une œuvre narrative de fiction dont la complexité et surtout la longueur se situent entre la nouvelle et le roman. Certains éditeurs français lui ont même consacré une collection comme Gallimard (Folio 3€), Le Rocher ou Mille et une Nuits (rachetée par Fayard). Les éditions belges F deville se sont également lancées dans le genre sous l’intitulé « micro roman » avec, à ce jour, une dizaine de titres. Bruno Dinant s’y essaie à son tour avec Zizi Panpan, un titre qui est déjà tout un programme.
L’inceste reste un sujet complexe, même s’il n’est plus tout à fait tabou. Des autrices, majoritairement, ont sorti cette réalité criminelle de l’anonymat. On pense bien sûr à L’inceste (Stock, 1999) de Christine Angot, mais aussi au premier livre, La familia grande (Seuil, 2021), de Camille Kouchner ou, plus récemment Triste Tigre de Neige Sinno (P.O.L., 2023). Des romans entre témoignage et autofiction qui ont apporté une voix littéraire à ces faits et permis à d’autres de sortir du silence ou, à tout le moins, de trouver un écho au drame intime niché dans leur enfance.
Bruno Dinant l’aborde sous un angle inédit en donnant la parole à un petit garçon, le narrateur qui restera sans nom ni prénom. Il nous parle d’abord de ses peurs enfantines, et notamment celles liées aux bruits de ses parents en fin de soirée alors qu’il tente de s’endormir, mais aussi de ses gouts. Il confesse ainsi ne pas aimer les mots remplis de ‘i’. Comme tout enfant, il cherche sa place dans le monde. Il utilise un vocabulaire habituel à son âge (guilis, spi – pour psy -, moumoute, zizi, zézette…). Surtout, il porte sur sa vie et le monde qui l’entoure un regard empreint de naïveté, notamment lorsqu’il s’inquiète d’avoir « démoli le bazar » en testant la masturbation. La sexualité est présente en toile de fond, davantage comme une terra incognita que comme une obsession.
Lorsqu’il rencontre Tiphaine avec qui il peut « réfléchir à la vie », le mystère s’épaissit encore. Jusqu’au jour où, après quelques allusions, son amie se confie à lui. Horrifié, il décide de l’aider et prend tous les risques avec elle pour parvenir à leurs fins.
On ne va pas divulgâcher la fin de cette histoire à hauteur d’enfants pris dans les mailles de leur famille détruite, mais on espère qu’elle contribuera à ce que désormais on croie la parole des victimes pour que notre société sorte de la loi du silence et de l’impunité.
Michel Torrekens
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